Approvisionnement à l'étranger, quand l'imprévisible survient
La chaîne d’approvisionnement de la majorité des entreprises repose aujourd’hui sur les fournisseurs étrangers. Les entreprises négligent le plus souvent de porter attention aux conditions entourant l’achat, au-delà du prix, des quantités et de quelques considérations techniques, puisque les responsables des approvisionnements n’ont généralement pas le temps de consacrer beaucoup d’énergie à chaque fournisseur ou encore n’ont pas nécessairement été formés quant aux conséquences juridiques liées à ce type de contrat.
Pourtant, les composantes, les matières premières ou les produits achetés seront le plus souvent revendus à des clients. C’est lorsque des problèmes surviennent que l’entreprise s’interroge alors sur les droits et recours qu’elle peut avoir à l’encontre du fournisseur, alors que les clients se plaignent eux aussi ou encore imposent des pénalités pour retard de livraison.
Évidemment, l’idéal demeure d’avoir un inventaire suffisant pour pallier tout retard à court ou long terme et de ne pas dépendre d’un seul fournisseur. Mais ceci n’est pas toujours possible pour les entreprises. Elles sont alors beaucoup plus affectées par tout retard émanant du fournisseur, qu’il soit occasionné par la simple volonté du fournisseur qui n’a donné qu’une date approximative, ou parce que ce fournisseur fait face à un problème quelconque.
La première chose à vérifier est donc de s’assurer que lorsque vous achetez d’un fournisseur, la date de livraison est une date ferme, non une date approximative.
Mais il est aussi probable que le fournisseur aura prévu une clause de « force majeure » dans ses conditions contractuelles, lui permettant de se prévaloir d’une situation exceptionnelle et hors de son contrôle, pour retarder la livraison et sans avoir à vous indemniser.
Pensons aux retards causés présentement par les fermetures ou ralentissements des usines chinoises en raison du coronavirus. Il s’agit d’un exemple que personne n’aurait envisagé il y a quelques semaines ! Ces retards pourraient vous priver de vos produits ou de composantes essentielles de ceux-ci, vous faisant perdre d’éventuelles ventes. Encore pire, ces retards vous placeront possiblement en situation de défaut de respecter vos propres obligations de livrer à vos clients, lesquels pourraient alors prendre des recours contre vous et imposer des pénalités.
Lorsque l’on fait affaire avec des fournisseurs externes, particulièrement à l’étranger, il devient essentiel de se protéger non seulement avec ces fournisseurs, mais surtout face à ses propres clients, à qui seront revendus les produits et composantes, notamment avec une clause de « force majeure » élargie.
Cette clause de « force majeure » devra couvrir bien plus que les catastrophes naturelles. Pensons notamment aux épidémies et quarantaines, aux embargos, aux décisions et mesures des gouvernements et des autorités frontalières pouvant perturber vos approvisionnements et ventes, et de façon générale aux retards et incapacités à pouvoir s’approvisionner auprès des fournisseurs ou à obtenir des moyens de transport. Les barrages des voies ferrées au Canada, perturbant l’approvisionnement par train, sont un autre exemple.
L’actualité internationale des récents mois vous permettra de réaliser facilement que votre clause modèle de « force majeure », si tant est que vous en ayez une dans vos contrats, aurait possiblement besoin d’une bonne révision.
Dès que survient un problème avec le fournisseur étranger, il faut alors se tourner vers les documents commerciaux qui ont été échangés par les parties pour tenter de trouver une solution, voir quelle loi s’applique à la transaction et où les parties devront s’affronter, en cas de judiciarisation de la situation.
La plupart du temps, les parties n’ont pas de contrat formel et ont simplement procédé par bon de commande et facture, auxquels sont souvent joints les termes généraux de vente (« general terms and conditions of sale »), soit un document écrit en petits caractères que l’on ne prend pas le temps de lire. Mais attention, s’il vous est imposé par votre fournisseur, il contiendra bien des clauses qui pourraient vous être préjudiciables.
Il faut donc prendre le temps de les lire et de les négocier, et ce, principalement si les matières premières, composantes, pièces et équipements que vous souhaitez acheter de ces fournisseurs sont stratégiques pour la production de vos propres produits ou encore risquent de causer des dommages à vos propres produits, aux équipements de vos clients ou encore de blesser ou tuer quelqu’un, advenant leur défectuosité, par exemple.
Il est aussi recommandé de plutôt prévoir votre propre modèle de contrat d’approvisionnement, afin de l’imposer à vos fournisseurs.
Lors d’un prochain article, nous aborderons plus en détail certains éléments essentiels des contrats d’approvisionnement, dont les garanties offertes par les fournisseurs et autres pièges dans ce type de contrat. D’ici là, rappelez-vous qu’il est essentiel, surtout pour des produits stratégiques ou encore achetés en grande quantité, de prendre le temps de bien négocier les ententes d’approvisionnement et la documentation échangée avec vos fournisseurs. N’hésitez pas à la faire relire par des avocats spécialisés en commerce international, qui pourront attirer votre attention sur des lacunes ou pièges qu’ils contiennent et que vous n’aurez peut-être pas vus. C’est leur spécialité !
Notre cabinet, en collaboration avec nos cabinets partenaires internationaux, est à même de vous conseiller et de vous escorter dans vos transactions internationales et les documents qui y sont associés.
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Me Micheline Dessureault
Avocate et agent de marques de commerce
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