Coconstruire des savoirs et se développer mutuellement
Ceux d’entre vous qui ont déjà participé à des missions commerciales groupées à l’international ont certainement retenu le bénéfice d’avoir été confronté à d’autres entreprises faisant face à la même problématique que vous. Tous les participants se retrouvaient dès lors détachés de leur quotidien et se découvraient une propension à échanger, souvent de manière informelle, sur leurs projets, leurs expériences ou leurs questionnements.
Tout un chacun se souvient alors de ce formidable exercice d’humilité, où l’on se dévoile aux autres, parle de ses difficultés et accepte d’aider et de se faire aider. Des liens de rapprochement se développent naturellement, avec un esprit d’entraide et de solidarité; des liens qui se poursuivent bien souvent au-delà du retour de mission.
Et pourquoi ne pas structurer cette démarche dans un processus qui puisse dépasser le simple échange convivial entre voyageurs d’affaires ? Ce processus existe et a vu le jour au Canada …cela tombe bien ! Il s’agit du codéveloppement.
Cette démarche, conçue et développée par Claude Champagne et Adrien Payette, est spécifiquement basée sur l’échange de pratiques et l’entraide. Il s’agit d’un puissant outil d’apprentissage s’appuyant sur l’intelligence collective pour améliorer la compréhension d’une problématique et accélérer l’identification de nouvelles solutions.
- L’approche d'apprentissage est innovante; elle mise sur les interactions entre les participants et le partage de leurs connaissances.
- Le processus est guidé; il vise à encourager la parole et l'écoute, mener à la réflexion et inciter à l'action.
Un groupe est composé au maximum de cinq à huit participants qui ont envie d'apprendre de leurs expériences respectives en abordant concrètement des situations réelles et actuelles rencontrées. Il se réunit généralement de deux à trois heures, chaque mois, pendant une période pouvant aller de six à dix mois.
Bien qu’initialement, les séances de codéveloppement se concentraient sur des groupes de pairs, des regroupements plus hétérogènes, mélangeant notamment des secteurs d’activité différents, peuvent être constitués avec l'objectif commun de constituer un réseau d’entraide mettant à profit la diversité de ses membres.
Les rôles
Les trois rôles nécessaires au fonctionnement d'un groupe de codéveloppement professionnel sont :
Un animateur
L'animateur n’est pas là pour enseigner, mais pour stimuler les interactions au sein du groupe et être le garant du processus.
Un porteur de préoccupation
Le porteur d'une préoccupation souhaite être aidé à réfléchir, explorer, trouver des pistes et obtenir des regards différents. Il changera à chaque séance et chaque participant pourra donc, au fil des séances, endosser ce rôle et exposer une problématique qui lui est propre.
Plusieurs contributeurs
Chaque membre de la cellule de codéveloppement amène sur la table ses expériences et partage de précieux conseils au groupe, permettant de traiter chaque préoccupation avec un bassin important de connaissances et d'expertises variées.
Les objectifs
Selon Champagne et Payette, les objectifs poursuivis par les entrepreneurs participants à une séance de codéveloppement peuvent être ainsi résumés :
- apprendre à être plus efficace en trouvant de nouvelles façons de penser, de ressentir et d’agir dans sa pratique actuelle;
- s’obliger à prendre systématiquement un temps de réflexion sur sa pratique professionnelle;
- avoir un groupe d’appartenance professionnelle où règnent confiance et solidarité;
- consolider son identité professionnelle en comparant sa pratique professionnelle à celles des autres;
- apprendre à aider et à être aidé, même d’une personne moins expérimentée en apparence.
Le déroulement
Chaque rencontre débute par une rétroaction sur la séance précédente. Le porteur de la préoccupation préalablement présentée dresse un bilan de ses expérimentations terrain, des résultats qu’il estime avoir obtenus et des obstacles éventuellement rencontrés.
Un nouveau sujet est retenu de manière collégiale, le groupe désignant un nouveau « porteur ». Les échanges sont structurés en six étapes que nous nommons pour les bénéfices de cet article :
- L’exposé : Le porteur parle de sa préoccupation. Les contributeurs et l’animateur écoutent.
- Le questionnement : les contributeurs s’interrogent, creusent le sujet. Le porteur écoute et clarifie son propos.
- L’appel : Le porteur exprime officiellement sa demande au groupe.
- L’exploration : Les contributeurs réagissent : ils partagent leurs impressions, questions réflexives, réactions, commentaires, idées, suggestions... Le porteur écoute sans débattre, peut demander des clarifications et note sans jugement l’ensemble des suggestions.
- La synthèse : Le porteur mentionne ce qu'il a retenu et trace les grandes lignes d’un plan d'action à tester à court terme. Pendant ce temps, les contributeurs font la synthèse de leurs propositions.
- Le bilan : Le porteur et les contributeurs décrivent leur expérience et évaluent la séance.
L’efficacité du codéveloppement réside sur la simplicité de ses règles de fonctionnement. Les gestionnaires qui n’ont que très rarement le temps de prendre une formation, hormis en période de confinement, peuvent ici, en quelques heures, s’exprimer et écouter sans être jugés; chacun peut prendre la parole, en confiance et dans un respect partagé, les divergences deviennent autant de sources potentielles de confronter ses propres limites professionnelles ou intellectuelles.
Dominic Viénot
Conseiller à l'exportation | Stratégies à l'international